
Contrairement à l’image du simple « jardinier », le sélectionneur moderne est avant tout un stratège qui gère un portefeuille d’investissements génétiques à très long terme.
- Chaque nouvelle variété est un pari sur 10 à 15 ans, anticipant climat, marchés et maladies futurs.
- La biodiversité n’est pas une fin en soi, mais un capital stratégique pour couvrir les risques.
Recommandation : La clé n’est pas seulement de créer la « meilleure » plante, mais de construire un portefeuille de variétés résilientes pour des futurs incertains.
Imaginer l’agriculture dans quinze ans est un exercice complexe. Quelles maladies menaceront les cultures ? Quelles seront les nouvelles attentes des consommateurs ? Quel impact aura le changement climatique sur les ressources en eau ? Pour beaucoup, ce sont des questions abstraites. Pour le sélectionneur végétal, ce sont les variables quotidiennes de son métier. Loin de l’image d’Épinal du botaniste qui croise des fleurs au hasard, le sélectionneur est un stratège, un visionnaire qui doit faire des paris génétiques aujourd’hui pour répondre aux défis de demain. Son travail ne consiste pas simplement à améliorer les plantes, mais à anticiper des scénarios futurs pour construire les solutions végétales qui nous nourriront.
On pense souvent que tout se joue dans la technicité du croisement ou la magie de la génétique. Si ces outils sont essentiels, ils ne sont que les moyens d’une ambition plus grande. La véritable compétence du sélectionneur réside dans sa capacité à lire les signaux faibles, à traduire des tendances sociétales en caractères agronomiques et à gérer un « portefeuille génétique » sur le long terme. C’est un métier où l’on pense par décennie, où chaque décision d’hybridation est un investissement coûteux en temps et en ressources, dont les résultats ne seront visibles que bien des années plus tard. C’est cette dimension de futurologie appliquée qui rend cette profession si passionnante et si cruciale.
Cet article vous ouvre les portes des coulisses de la sélection végétale. Nous explorerons comment le sélectionneur constitue son capital génétique, comment les technologies modernes accélèrent ses « paris variétaux », et comment il arbitre entre des objectifs parfois contradictoires. Nous verrons aussi les risques de l’uniformité et l’importance stratégique de la diversité, qu’elle soit conservée dans des banques de gènes ou cultivée par les agriculteurs eux-mêmes.
Pour mieux comprendre les facettes de ce métier stratégique, cet article est structuré pour vous guider pas à pas, de la source de la génétique jusqu’aux enjeux pour l’avenir de notre agriculture. Voici les points que nous allons aborder.
Sommaire : Le métier de sélectionneur, un pari sur l’avenir
- La quête du trésor génétique : où trouvent-ils les gènes des plantes de demain ?
- Comment la génétique moderne permet de créer de nouvelles variétés deux fois plus vite
- Créer une tomate pour l’industrie ou pour le jardin : deux métiers que tout oppose
- Le danger de tous cultiver la même chose en même temps
- Quand les paysans redeviennent les créateurs de leurs propres semences
- Comment créer votre propre variété de légume, parfaitement adaptée à votre terre
- Comment « crée-t-on » une nouvelle variété de blé ou de tomate ? Les coulisses de la sélection végétale
- Les semences paysannes sont-elles l’assurance-vie de notre agriculture ?
La quête du trésor génétique : où trouvent-ils les gènes des plantes de demain ?
Le point de départ de tout pari variétal est la matière première : la diversité génétique. Sans un large éventail de gènes, il est impossible d’innover et de s’adapter. Le sélectionneur agit comme un prospecteur, constamment à la recherche de « pépites » génétiques qui pourraient s’avérer cruciales dans le futur. Ce trésor ne se trouve pas dans un seul endroit, mais dans un vaste écosystème de ressources. La première source est bien sûr les variétés commerciales existantes, qui forment le socle de la performance actuelle. Mais le véritable potentiel d’innovation réside ailleurs.
Les centres de ressources phytogénétiques, souvent appelés banques de gènes, sont des bibliothèques du vivant. Ils conservent des dizaines de milliers d’échantillons de variétés anciennes, de populations locales et d’espèces sauvages apparentées aux plantes cultivées. Une vieille variété de blé, abandonnée car peu productive, peut par exemple détenir un gène de résistance à une nouvelle maladie ou une tolérance exceptionnelle à la sécheresse. Ce qui était jugé inintéressant hier peut devenir une assurance-vie pour demain. Ce principe est fondamental car les semences, sélectionnées depuis des siècles, sont le premier et le plus stratégique maillon de toute la chaîne de production agricole.
Cette quête ne se limite pas à la conservation. Le sélectionneur observe aussi ce qui se passe « in situ », dans les champs des agriculteurs ou dans les milieux naturels. Une plante qui survit spontanément dans une zone aride ou saline est une source d’information précieuse. C’est en gérant ce vaste portefeuille génétique, combinant des ressources modernes, anciennes et sauvages, que le sélectionneur se donne les moyens d’imaginer et de construire les plantes qui répondront aux scénarios futurs les plus exigeants.
Comment la génétique moderne permet de créer de nouvelles variétés deux fois plus vite
Si la stratégie à long terme est le cerveau de la sélection, la technologie en est le système nerveux. Le cycle traditionnel de sélection, basé sur des croisements et des observations en champ, est un processus long et parfois aléatoire. La génétique moderne a radicalement changé la donne, non pas en se substituant à la nature, mais en la rendant plus lisible. Elle permet d’accélérer les paris variétaux en réduisant l’incertitude et en raccourcissant les cycles de décision. L’un des outils les plus puissants est la sélection assistée par marqueurs (SAM).
Cette approche, qui n’a rien à voir avec les OGM, fonctionne comme un système de balises GPS sur le génome de la plante. Au lieu d’attendre qu’une plante adulte montre si elle est résistante à une maladie, le sélectionneur peut analyser l’ADN d’une jeune plantule pour y « lire » la présence du gène de résistance. C’est un gain de temps et d’efficacité considérable, permettant de trier des milliers d’individus en laboratoire plutôt que des centaines en plein champ. Cela permet de concentrer les efforts et les investissements sur les candidats les plus prometteurs dès les premières étapes. Cet effort d’innovation est considérable, car les entreprises de sélection investissent en moyenne 13% de leur chiffre d’affaires en R&D, un taux comparable à celui des industries de haute technologie.
Ce paragraphe introduit un concept complexe. Pour bien le comprendre, il est utile de visualiser ses composants principaux. L’illustration ci-dessous décompose ce processus.

Comme le montre cette fusion entre le végétal et le digital, la technologie permet de décoder l’information génétique pour prendre des décisions plus rapides et plus précises. C’est grâce à ces techniques que la filière française, par exemple, est capable de créer plus de 450 nouvelles variétés chaque année. Le sélectionneur peut ainsi tester plus d’hypothèses, combiner plus de traits complexes et, in fine, augmenter ses chances de réussir ses paris génétiques pour l’avenir.
Créer une tomate pour l’industrie ou pour le jardin : deux métiers que tout oppose
La stratégie du sélectionneur ne consiste pas à créer une « super-plante » bonne à tout faire, mais à développer des variétés parfaitement adaptées à un usage, un marché et un système de production spécifiques. Chaque objectif correspond à un pari variétal différent, nécessitant un arbitrage complexe entre des dizaines de traits. La comparaison entre une tomate destinée à la transformation industrielle et une tomate pour le potager d’un amateur est l’exemple parfait de cette spécialisation.
Pour la tomate d’industrie, qui finira en conserve ou en ketchup, le cahier des charges est dicté par la logistique et le processus de transformation. Le sélectionneur va privilégier des fruits fermes qui résistent à la récolte mécanique et au transport. Il cherchera une maturité groupée, pour que tout le champ puisse être récolté en une seule fois. La teneur en matière sèche (le « Brix ») sera un critère essentiel, tout comme la couleur intense et l’homogénéité des lots. Le goût, bien qu’important, sera souvent standardisé pour correspondre au produit final. C’est une sélection orientée vers l’efficacité et la robustesse.
À l’inverse, pour la tomate de jardin, l’objectif est tout autre. Le critère numéro un est la qualité gustative : la saveur, la texture, l’équilibre sucre/acide. Le sélectionneur visera un étalement de la production, pour que le jardinier puisse récolter des fruits sur plusieurs semaines. L’aspect visuel, avec des formes et des couleurs originales, devient un atout. La résistance au transport est secondaire, car le circuit est ultra-court. Comme le résume bien SEMAE Pédagogie, l’organisme français interprofessionnel des semences et plants :
La sélection prend depuis longtemps en compte le besoin qualitatif et les contraintes industrielles des transformateurs. La qualité intrinsèque de la récolte, son état sanitaire, l’homogénéité des lots, l’aptitude à la conservation sont des facteurs de sélection importants.
– SEMAE Pédagogie, Principes de la sélection des plantes
Cet exemple illustre parfaitement l’arbitrage de traits au cœur du métier. Chaque variété est la réponse à un problème précis, le résultat d’un pari sur un segment de marché et ses contraintes. Le sélectionneur doit donc non seulement être un excellent généticien, mais aussi un fin connaisseur des filières agricoles et des attentes des consommateurs.
Le danger de tous cultiver la même chose en même temps
Le succès d’une variété « championne », très productive et appréciée du marché, peut paradoxalement devenir un risque majeur pour l’ensemble du système agricole. La tendance à la monoculture, ou plus précisément à l’uniformité génétique, revient à faire un seul et même pari à très grande échelle. Si ce pari est gagnant, les rendements sont exceptionnels. Mais si un nouvel aléa survient — une nouvelle souche de maladie, un insecte ravageur, un épisode climatique extrême —, la totalité de la production est menacée. C’est l’équivalent, en finance, de mettre tout son capital sur une seule action.
L’histoire agricole est jalonnée d’exemples dramatiques, comme la grande famine en Irlande au XIXe siècle, causée par la sensibilité d’une seule variété de pomme de terre au mildiou. Pour un stratège de la sélection, gérer ce risque est une priorité absolue. La diversification n’est pas une option, c’est une nécessité. Cela passe par le développement constant d’un portefeuille de variétés avec des profils de résistance différents. Si une variété devient vulnérable, d’autres doivent pouvoir prendre le relais.

Face à ce danger, la conservation de la biodiversité prend tout son sens stratégique. Il ne s’agit pas seulement de préserver de vieilles espèces par nostalgie, mais de maintenir un réservoir de solutions pour l’avenir. Comme le soulignent les experts, face à l’appauvrissement génétique, deux stratégies de conservation s’imposent : la conservation « ex situ » dans les banques de gènes, et la conservation « in situ » dans les champs ou les réserves naturelles. Cette diversité est la police d’assurance du système alimentaire. Un sélectionneur responsable ne cherche donc pas seulement le prochain « blockbuster » variétal, il s’assure aussi que le système dans son ensemble reste résilient et capable de s’adapter aux chocs imprévus.
Quand les paysans redeviennent les créateurs de leurs propres semences
Face à la spécialisation de la sélection professionnelle, un mouvement complémentaire gagne en importance : la réappropriation de la création variétale par les agriculteurs eux-mêmes. Cette démarche, souvent associée à l’agriculture biologique ou paysanne, ne s’oppose pas frontalement à la sélection industrielle, mais propose un autre modèle de pari. Au lieu de viser une performance optimale dans des conditions standardisées, la sélection paysanne cherche à développer des populations de plantes adaptées à un terroir spécifique, avec ses propres contraintes de sol, de climat et de pratiques culturales.
Ces agriculteurs-sélectionneurs travaillent souvent sur des « populations » plutôt que sur des lignées pures. Une variété population de blé, par exemple, n’est pas parfaitement homogène. Elle présente une certaine diversité interne, ce qui lui confère une plus grande plasticité et une meilleure résilience face aux aléas. C’est une stratégie de « pari réparti » à l’échelle de la parcelle. Plutôt que de dépendre d’une seule génétique, l’agriculteur cultive un ensemble de plantes légèrement différentes, augmentant les chances qu’une partie de la récolte se comporte bien, quelles que soient les conditions de l’année.
Ce rôle n’est pas anecdotique. En France, par exemple, on compte près de 18 600 agriculteurs multiplicateurs de semences qui, sous contrat avec des entreprises semencières, participent à la production des semences qui seront commercialisées. Au-delà de ce rôle de multiplication, un nombre croissant d’agriculteurs s’engagent dans la sélection participative, en collaboration avec des chercheurs, pour créer leurs propres variétés. Ils ne sont plus seulement des utilisateurs de génétique, mais redeviennent des acteurs de son évolution, contribuant à enrichir le patrimoine génétique global et à explorer de nouvelles voies d’adaptation pour l’agriculture.
Comment créer votre propre variété de légume, parfaitement adaptée à votre terre
L’idée de créer sa propre variété peut sembler intimidante, réservée aux laboratoires et aux grands instituts de recherche. Pourtant, le principe de base de la sélection est accessible à tous, jardiniers amateurs comme agriculteurs. La méthode la plus ancienne et la plus simple est la sélection massale. Elle ne requiert pas d’équipement sophistiqué, mais de l’observation, de la patience et de la rigueur. Le principe est d’une simplicité désarmante : on choisit les plus belles plantes d’une population et on récolte leurs graines pour les semer l’année suivante.
Cette méthode repose sur l’idée qu’en sélectionnant systématiquement les individus qui correspondent le mieux à vos critères (les plus goûteux, les plus résistants, les plus précoces…), vous allez progressivement faire évoluer la moyenne de la population dans la direction souhaitée. C’est le moteur de la domestication des plantes depuis des millénaires. Pour un jardinier, cela signifie pouvoir développer, année après année, une variété de tomate ou de courgette unique, parfaitement acclimatée à son sol, à son microclimat et à ses goûts personnels. C’est la forme la plus ultime de circuit-court génétique.
Le processus, bien que simple en théorie, demande de la méthode. Il faut définir clairement ses objectifs de sélection et s’y tenir pour que les « paris » d’une année sur l’autre soient cohérents et portent leurs fruits. C’est une démarche gratifiante qui permet de se reconnecter au cycle long du vivant et de comprendre intimement les mécanismes de l’évolution et de l’adaptation.
Plan d’action : votre guide pour la sélection massale
- Définir les critères : Avant de commencer, listez précisément les caractères que vous souhaitez améliorer (ex: goût plus sucré, meilleure résistance au mildiou, port plus compact).
- Sélectionner et marquer : Dans votre culture, identifiez et marquez (avec un ruban par exemple) les quelques plantes qui correspondent le mieux à vos critères. Faites-le avant la pleine maturité pour bien juger la plante entière.
- Récolter les semences : Récoltez les graines uniquement sur les plantes que vous avez marquées. Assurez-vous qu’elles sont à pleine maturité et saines.
- Répéter le cycle : L’année suivante, semez uniquement ces graines. Répétez le processus de sélection et de récolte. De génération en génération, la valeur moyenne de votre population s’améliorera.
- Documenter l’évolution : Tenez un petit carnet de sélection. Notez les critères de chaque année, les conditions météorologiques et les progrès observés. Cela vous aidera à affiner votre stratégie.
À retenir
- Le métier de sélectionneur est moins une affaire de technique que de stratégie, consistant à anticiper les besoins agricoles sur un horizon de 10 à 15 ans.
- La biodiversité (variétés anciennes, espèces sauvages) constitue un portefeuille de « solutions » génétiques pour faire face aux risques climatiques et sanitaires futurs.
- Chaque nouvelle variété est le fruit d’un arbitrage complexe entre des dizaines de traits (rendement, goût, résistance, etc.) pour répondre à un marché spécifique.
Comment « crée-t-on » une nouvelle variété de blé ou de tomate ? Les coulisses de la sélection végétale
Le chemin qui mène d’une idée de croisement à un sachet de semences commercialisé est un véritable marathon, un processus stratégique et réglementé qui illustre parfaitement la nature du pari à long terme. Contrairement à une idée reçue, une nouvelle variété n’est pas le fruit d’une seule expérience heureuse, mais le résultat d’un entonnoir de sélection rigoureux, où des milliers de candidats sont éliminés pour n’en retenir qu’un seul.
Tout commence par l’hybridation : le croisement contrôlé entre deux parents choisis pour leurs caractéristiques complémentaires. Le sélectionneur va par exemple croiser une variété très productive mais sensible à une maladie, avec une variété rustique mais peu productive qui possède le gène de résistance. L’objectif est de combiner le meilleur des deux mondes dans la descendance. Les milliers de graines issues de ce croisement sont ensuite semées. C’est là que commence le long travail de sélection, génération après génération (F1, F2, F3…). À chaque étape, seules les plantes qui présentent la combinaison de traits recherchés sont conservées et leurs graines ressemées. Ce processus de « fixation » des caractères peut prendre de 5 à 8 ans.
Une fois qu’une lignée prometteuse et stable est obtenue, elle n’est pas encore au bout de ses peines. Elle doit passer avec succès les épreuves d’inscription au Catalogue Officiel. En France, ces tests sont menés par des organismes comme le GEVES. Ils visent à vérifier deux points cruciaux : la Distinction, l’Homogénéité et la Stabilité (DHS) de la variété, et sa Valeur Agronomique, Technologique et Environnementale (VATE). Ce n’est qu’après avoir validé ces deux années d’examens officiels que la variété peut être inscrite et multipliée pour être commercialisée. Ce processus rigoureux garantit la qualité et la performance des semences mises sur le marché.
Étude de cas : Le parcours de 10 ans d’une variété
Comme le détaille le parcours de création variétale, le processus complet est une course de fond. Années 1-2 : définition des objectifs et réalisation des croisements initiaux. Années 3-7 : cycles de sélection et d’évaluation en pépinière et en micro-parcelles pour identifier les lignées les plus prometteuses. Années 8-9 : tests agronomiques multi-locaux pour évaluer la performance dans différentes conditions. Années 10-11 : processus d’inscription réglementaire au catalogue officiel. Ce n’est qu’après cette décennie d’investissements que la multiplication à grande échelle peut commencer. Chaque variété sur le marché est donc un survivant, l’aboutissement d’un pari lancé dix ans plus tôt.
Les semences paysannes sont-elles l’assurance-vie de notre agriculture ?
Alors que la sélection moderne vise l’excellence à travers des lignées pures et homogènes, les semences paysannes représentent une autre philosophie, basée sur la diversité et l’adaptation locale. Issues de la sélection et de la multiplication à la ferme, ces semences sont souvent des « populations » : un ensemble d’individus génétiquement proches mais non identiques. Cette hétérogénéité, longtemps vue comme un défaut par l’agriculture intensive, est aujourd’hui reconsidérée comme un atout stratégique majeur, une forme d’assurance-vie face à l’incertitude.
Le principal avantage de ces populations est leur plasticité adaptative. Dans un champ de blé de population, toutes les plantes ne réagiront pas de la même manière à une sécheresse ou à une attaque de maladie. Certaines souffriront, mais d’autres, grâce à leur patrimoine génétique légèrement différent, résisteront mieux. Cette diversité intrinsèque assure une certaine stabilité de rendement : la récolte n’est peut-être jamais exceptionnelle, mais elle est rarement catastrophique. C’est une stratégie de minimisation des risques, particulièrement pertinente dans un contexte de changement climatique où les conditions deviennent plus imprévisibles.
Ces semences sont également le fruit d’un long dialogue entre les plantes, l’agriculteur et son terroir. Sélectionnées année après année dans des conditions spécifiques, elles développent une adaptation fine à un sol et un microclimat donnés. Elles contribuent ainsi à maintenir une large diversité génétique directement dans les champs, complétant la conservation « ex situ » des banques de gènes. Elles ne représentent pas forcément la solution pour nourrir l’ensemble de la planète à court terme, mais elles constituent un réservoir inestimable de solutions, un pilier de la résilience de notre agriculture. Elles sont moins un concurrent des variétés modernes qu’un complément indispensable à notre portefeuille génétique global.
Pour appliquer cette vision stratégique à votre parcours, l’étape suivante consiste à analyser chaque problématique agricole non comme un défi technique, mais comme un scénario futur à modéliser.
Questions fréquentes sur le métier de sélectionneur : parier sur l’agriculture de dans 15 ans
Pourquoi les variétés sauvages sont-elles importantes pour l’avenir ?
Les variétés sauvages, apparentées à nos plantes cultivées, ont survécu sans l’aide de l’homme dans des conditions souvent difficiles. Elles représentent un réservoir immense de gènes de résistance aux maladies, à la sécheresse ou à d’autres stress. Elles peuvent apporter des solutions cruciales à l’apparition de nouvelles menaces pour nos cultures, c’est pourquoi il est primordial de conserver cette biodiversité.
Quelle est la différence entre conservation in situ et ex situ ?
La conservation « in situ » (sur place) consiste à préserver les plantes dans leur milieu naturel ou dans les champs des agriculteurs. Cela leur permet de continuer à évoluer et à s’adapter. La conservation « ex situ » (hors site) se fait principalement dans des banques de gènes, où des collections de graines ou de tissus végétaux sont conservées à basse température. Cette méthode sécurise les ressources mais les « fige » dans le temps.
Les semences paysannes peuvent-elles nourrir le monde ?
C’est un débat complexe. D’un côté, les semences paysannes conservent une diversité génétique massive qui offre des réponses potentielles au changement climatique et garantit la résilience. De l’autre, leurs rendements sont souvent plus faibles et plus hétérogènes que ceux des variétés modernes, ce qui pose un défi pour assurer la sécurité alimentaire d’une population mondiale croissante. Leur rôle est sans doute plus complémentaire que concurrentiel, en tant que pilier de la durabilité et de l’adaptation locale.